…luceat…
pour petit orchestre [2019] | durée: 14’00”
Ce n’est pas seulement dans le monde de la vue, mais aussi dans celui de l’ouïe qu’il peut « briller ». Les sons sont aux oreilles ce que les couleurs sont aux yeux. Leur diversité inépuisable s’étend de toutes sortes d’harmonies aux bruits, de l’envoûtement sensuel à l’obscurité troublante. Comme un grand nombre de compositions de la musique contemporaine, cette pièce part à la recherche de nuances sonores et de couleurs orchestrales.
La question de l’interaction avec la conception de la temporalité se pose : si l’éclairage et la rotation des « objets » sonores s’effectuent dans des surfaces le plus souvent statiques, cela s’oppose dans une certaine mesure à la formation traditionnelle de phrases : peut-on pénétrer dans les profondeurs des couches sonores orchestrales et construire en même temps des arcs mélodiques et des culminations ?
Alors que l’exploration des sons dans la musique contemporaine s’accompagne souvent d’un renoncement à la conception narrative, cette pièce évoque précisément le champ de tension entre le flux « horizontal » et la pause « verticale ». Dans le premier mouvement, cela se manifeste par une large mélodie de trompette qui se développe progressivement à partir de différents états sonores pour finalement s’effondrer à nouveau sur elle-même ; et dans le deuxième mouvement, cela s’exprime par le genre de la passacaille qui, par son concept de base, élève le déroulement du temps lui-même au rang de thème comme peu d’autres modèles de forme. Le retour cyclique d’un modèle et ses variations représentent à la fois le cercle et le fleuve, le mouvement mais pas la locomotion, Pantha Rhei : une conception humaine de l’éternité.
« Luceat » : le fragment tiré du Lux æterna du Requiem supprime volontairement le contexte verbal. Certes, la première phrase reprend d’abord l’idée d’une « lumière éternelle » statique ; la seconde, en revanche, évoque le feu comme son origine énergétique. Même si l’image d’un calme transcendant nous fascine : Nous, dans notre réalité finie, ne pouvons en fin de compte pas renoncer à des déroulements dynamiques.
M.L.
Orchestre de Chambre InnStrumenti; direction: Gerhard Sammer